Archive du mois : juin 2019

45 – Serwan Baran. IRAK. Biennale 2019.

  Pavilon de l’Irak. Serwan  Baran

Lors des biennales précédentes l’Irak avait droit à un étage spacieux de palais. Cette année c’est un tout petit espace aveugle en rez de chaussée et au fond d’un couloir. Allégorie de la descente aux enfers du pays ?

Et malgré ou grâce à cela c’est sûrement un des pavillons les plus intéressants car la force plastique des deux créations apparait immédiatement, tant elle est à l’étroit . Une fois franchi le petit couloir tortueux peint en vert militaire, on tombe sur une sculpture au sol: grandeur nature, un soldat en état de décomposition avancée git dans une barque. Terre crue séchée, modelée à grandes touches. L’ensemble est saisissant, puissant, la sobriété jouant à plein.
Blog irak 500-1 

ira2:500

Derrière dans un espace de taille analogue, un mur peint.Verts, jaunes, noirs gris dans toutes les valeurs colorées du camouflage militaire, on distingue un enchevêtrement de formes que l’on ne lit pas immédiatement comme des corps disloqués et recroquevillés sur eux-mêmes: des militaires morts  surpris alors qu’ils étaient sans doute en train de manger; des assiettes en carton remplies d’éléments indéfinissables et des morceaux de tissus militaires réels sont collés et s’intègrent à l’ensemble pictural en lui donnant paradoxalement vie.

Iak blog500- 3

 

Serwan Baran, irako-kurde né à Bagdad en 1968 a suivi une formation artistique. Enrôlé lors des conflits de 1980 et 1990 en tant que soldat mais aussi artiste de guerre, il avait pour mission d’ illustrer et rendre compte des victoires de l’armée irakienne pour la propagande du gouvernement.

Il a baptisé cette double création « Fatherland » tant il est vrai, explique-t-il,  que la « mère » n’a servi qu’à donner le jour à de futurs soldats, le pays n’ayant guère vécu autre chose que des régimes militaires, la guerre et la mort.

Blog irak 500-4


 

44 – Jannis Kounellis. Biennale 2019.

La fondation Prada présente dans ses beaux et vastes espaces le travail de Jannis Kounellis installé par Germano Celant, défenseur avisé de l’Arte Povera. La beauté du lieu et la qualité du commissariat en font un moment exceptionnel.


Kounellis avait coutume de dire qu’il était avant tout peintre (et non sculpteur ou installateur ). Profession de foi qu’il synthétise plastiquement dans l’émouvante petite création ci-dessous. Des pierres, du feu, une trace de suie…. et tout au bout… « la Peinture » ….  Toute l’histoire de la création artistique est là.

« Être peintre », c’est généralement poser diverses matières sur un support plan.

Les très importantes surfaces horizontales et verticales de la fondation offrent des plans parfaits pour ressentir immédiatement la démarche de l’artiste.
Il fait jouer couleurs et matériaux avec la même rigueur qu’un Abstrait Géométrique, mais lui serait plutôt dans le concret à forte valeur symbolique, confrontant Nature et Culture, ses « couleurs, empâtements, réserves… » étant choisis dans le monde du travail et de l’industrie : plaques métalliques, poutrelles, pierres , bois, charbon, laine cardée, feu et suie … etc

Kounellis 2 500

4 tableaux sur plan vertical : « Fer/fleurs »- « Fer/laine » – « Fer/bois » – « Fer/pierres »;  oeuvres de 1987Un sur plan horizontal : « Fer/charbon »

L’oeuvre ci-dessous présente dans un immense rectangle au sol , un étalage digne des Puces : pardessus, chaussures , chapeaux… Ces vêtements visiblement des années 40 , ont plus ou moins servi vu l’état de conservation variable de chacun. Aussi, nous renvoient-ils à ceux qui les ont portés … et bien sûr au fait qu’ils ne sont plus.

Kounellis 4

De plus près, les styles varient, bonne ou moins bonne qualité, étiquettes lisibles, doublures soyeuses , déchirures, état d’usure, chaussures éculées … et nous saisissons mieux l’intention :  le tout est organisé de façon à isoler mentalement chaque groupe de trois éléments, pour accéder peut-être ainsi à une interprétation: la personnalité du propriétaire, et, au delà, sa fonction dans cette période qui sur le plan de l’histoire n’est pas anodine…