Catégorie : PROPOS

34 – De beaux échanges

 

Février 2017

Lors d’un voyage-repérages pour une future exposition à Calatayud , je profite du temps libre pour visiter le  musée municipal qui présente des restes de son riche passé : celui de l’ancienne Bilbilis  romaine.
A l’étage,  une exposition temporaire très étonnante et réussie.  Intitulée « Monde parallèles 3 », elle témoigne d’une démarche généralement peu valorisée et – encore moins- présentée dans ce type de lieu : le travail plastique des pensionnaires « minusvalidos » du centre  Amibil .


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C’est un parcours passionnant, à échelle humaine, affectif et  poétique des monuments remarquables de la ville ou de certains de ses éléments architecturaux.  De beaux partis pris  et trouvailles et une grande maitrise des techniques  même si  l’investissement du personnel d’encadrement est évident.

 

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Mars 2017

Déroulement de mon exposition « Cuidar » à l’Aula San  Benito . Elle se compose de trois espaces liés  consacrés à la naissance et à la mort, à la douceur et à la violence, à la beauté et au chaos,  par le biais , entre autres, de nids et d’oeufs de la série des Tyranoptères. cf. mon site :
https://danielle-chevalier.fr/tyranopteres/

Avril 2017

Retour à Calatayud pour le décrochage de  mon exposition. Un petit cadeau « précieux » m’attend : une boîte d’oeufs au contenu émouvant : des « oeufs » découpés dans du carton . Sur chacun des remarques, des signatures, des remerciements, des dessins réalisés par les résidents  d’ Amibil et qui témoignent  de leur passage, de leur regard, de leur   émotion, de leur inspiration.


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Sans le savoir de part et d’autre, chacun a  offert son travail à l’autre.
Leurs goûts vont surtout vers mes « nids-oeufs » et les ruines de Belchite.

Alors je choisis celui de mes nids que j’ai toujours préféré et le leur fais parvenir avec une lettre  évoquant ma visite en février à leur exposition « Mondes Parallèles »

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Mai 2017

Quelque temps plus tard je reçois en remerciements, et jointe à la lettre du directeur, une des créations de leur exposition . Elle est de José Antonio Morte Norvíon.

 

 

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31 – Points de vue

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Dans «le Monde » du 3 novembre 2016, un article – illustré par l’image ci-dessus-, nous apprend que le Louvre-Lens « propose, bien involontairement,  une suite » ( ! ) à ma modeste exposition « Anthroposcènes » !

L’exposition intitulée « L’histoire commence en Mésopotamie », s’est donné pour mission de démontrer à nous , « grand public, qui ne savons même pas situer l’Irak...» ( !! ) tout ce que nous devons à la Mésopotamie.
Pour illustrer le propos, 5000 tablettes d’argile et 400 objets trouvés dans ce « Jardin d’Eden » entre Tigre et Euphrate, choisis pour aller « au plus simple et au plus juste »… toujours pour ce même « grand public » une nouvelle fois cité, et qui nous parlent d’écriture évidemment, mais aussi d’architecture, de mathématiques, de l’année de douze mois, de la roue… et de bien d’autres merveilles…( dont je doute fort que le « grand public » qui fréquente ce type d’exposition soit si ignorant )

Cet article pose problème dans la mesure où  cette exposition – qui se voudrait pourtant didactique – semble présenter une Mésopotamie sérieusement tronquée  en contre-exemple d’un Irak d’aujourd’hui en proie à la barbarie, aux horreurs et aux pillages de l’EI ( mentionné par deux fois lui aussi ).

Faire un peu moins « simple » mais un peu plus « juste », par respect du public ciblé qui  n’a pas à être « enchanté »,  aurait consisté à ne pas trier dans les pièces exposées ni dans les textes traduits.

Qu’aurait-on alors « appris » des restes archéologiques trouvés dans ce « Jardin d’Eden »:   … les conflits incessants, la soif effrénée de conquêtes, la barbarie, les massacres de masse, les machines de guerre, les armes,  les corps amputés, pelés, décapités, les villes anéanties, les incendies, les pillages, tout cela écrit, gravé, sculpté pour emplir des bibliothèques et orner des palais servant la vantardise de potentats sanguinaires tuant pour un Dieu, au nom d’un Dieu, avec l’aide d’un Dieu, celui dont ils avaient choisi d’être l’émanation sur Terre.

Manquent, nous dit-on, les pièces « intransportables » comme les bas-reliefs. Ne serait-ce pas plutôt les pièces dérangeantes en regard du propos choisi ?
Les dits bas-reliefs arrachés au  palais de Khorsabad pour lequel ils étaient faits ont bien pu en d’autres temps être transportés jusqu’au Louvre, de même que ceux de Ninive au British Muséeum, de même que ceux de Babylone au Pergamon de Berlin, de même que… etc… etc…
Et d’ailleurs … pour quoi l’ont-ils été ?
Même si les multiples raisons d’attenter à l’intégrité d’un patrimoine archéologique ne peuvent être mises sur le même plan, on sait bien qu’une architecture démantelée, un ensemble urbanistique dilapidé, privé de ses éléments les plus signifiants, ne transmettra plus d’informations dignes de mémoire.

Que ces éléments épars dans des musées vivent d’une autre vie grâce à leur force plastique est un autre sujet.

Pour ceux qui auraient vu l’exposition « Anthroposcènes« … et pour ceux qui auraient souhaité la voir, pour ceux aussi qui ne comprennent pas les raisons de ce 32° blog, les 3 nouvelles pièces non encore présentes dans mon site, dont « Voyage 66 », y sont  désormais.  


10. La nécessaire création

 

 Pigeons 500 blog Sur les lieux d’une attaque chimique présumée mercredi 21 août près de Damas…   (Photo Stringer. Reuters) Document extrait de  « L’actualité du monde en images ». 26 août 2013. Libération.fr

 

Pascal Quignard écrit dans « Les désarçonnés » :

« … « Le bodhisattva répondait toujours à côté, dans le vide. »

Il faut savoir s’engager au coeur de la forêt, gagner la fontaine que la vieille langue, jadis, appelait tout simplement le « font ».

Il faut savoir répondre dans le vide. Ce sont les livres. Il faut savoir se perdre dans le vide. C’est la lumière dans laquelle on les lit. Il ne faut répondre aux autres qu’en créant. Il faut laisser tomber toutes les autres formes de répliques. Le général Carl von Clausewitz a écrit à Mayence : « Ne jamais se structurer comme l’adversaire.  » Ne jamais se soumettre à l’hostilité qui ne connaît plus de remède et au désarroi d’y appliquer son attention.

Créer c’est assaillir sur un fond sans rival, où la commmunauté n’existe pas.

Créer c’est le seul bon terrain qui soit au monde.

Car cette « terre » qui soudain surgit sous les yeux de celui qui la crée n’existe pas avant sa création.
Cet espace où le livre trouve à s’engendrer est introuvable dans le réel. Il est l’inimaginable au sein du symbolique. Il est vide. Cette occasion est inanticipable pour ceux qui envient le bonheur qu’ils n’ont pas, pour ceux qui ont soif du sang des autres, pour ceux qui s’efforcent sans trêve de dévorer les proies qui leur échappent sous les yeux. Car ils n’inventent pas leur espace dans l’espace et ils n’y retrouvent pas le sang qu’ils y aiment ».

Je n’ai rien trouvé qui condense à mes yeux avec autant de clarté les divers degrés de nécessité de l’acte créateur. Et je propose d’admettre le mot livre comme nom générique de tout « objet artistique ».

 Mon site : www.danielle-chevalier.fr   

7 – « Ecorces »

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Lire une photographie qui a pour ambition de témoigner est devenu aujourd’hui une affaire délicate ; trucages, logiciels de traitement d’image, esthétisme forcené, recherche du sensationnel ont pris l’importance que l’on sait.

Aussi est-on enthousiasmé  en refermant « Ecorces »,  le  petit livre de Georges Didi-Huberman.  Enthousiasmé,  heureux .. et bouleversé, parce qu’il y est question d’une visite et de prise de photos au camp d ‘ Auschwitz-Birkenau et   parce qu’il est possible de fouiller de telles images  avec précision et rigueur, mais aussi pudeur et poésie . Ce texte est magnifique.

Vient de paraître. Aux Editions de Minuit

Date d’origine de cet article : 19 janvier 2012

 

Renvoi vers mon site : www.danielle-chevalier.fr

3 – « Le Quattro Volte »

Je voudrais parler d’un violent coup de coeur pour un film vu récemment, un film magnifique, qui ne ressemble à rien de connu, qui pour certains sera sans doute d’un ennui abyssal, pour d’autres dont moi, un moment magique…
 » I’d like to speak of the passionate interest I felt for a film I’ve seen recently , a magnificent film , unlike anything else , abysmally tedious for some probably , for others like me , a moment of pure magic … »

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D’abord le décor : un espace naturel vaste, indéfini,  escarpé et sauvage mais sans excès ni beauté particulière, des rochers, des arbres, des troupeaux de chèvres, un village, des habitants qui préparent une fête, de la fumée,  le vent …

Un héros, ou quatre, mais c’est le même : un humain- berger, un animal-chevreau, un végétal-sapin, un minéral- le sapin devenu charbon.

Des bruits, les pas de l’homme dans l’herbe sèche , les pierres qui roulent à son passage, ses accès de toux, les cloches des chèvres et les cris du chevreau égaré, les coups de hache et l’écroulement du sapin abattu. Il y a surtout, lancinant, montant de la clairière des charbonniers, le choc sourd et régulier du plat des pelles sur les meules,  puis le tintement pur et cristallin du bois devenu carbone.
Les fils sont fragiles, tendus à se rompre, et vont bien sûr se rompre, le berger trop vieux, usé, malade, le chevreau trop jeune, trop peu armé pour survivre, l’arbre, trop beau, trop droit, magnifique, choisi pour cela, le minéral friable au moindre choc.

Et dans cette extrême lenteur d’un monde où tout se répète à l’infini, un chien affairé, sorte de passeur, tentera frénétiquement et en vain de nouer un temps les fils , d’alerter, d’arrêter le cours de la vie, justement parce qu’il y a une mort en jeu.  Et échouera …  le chien, l’auxiliaire de l’homme, celui qui sait rassembler et remettre en ordre la marche des bêtes, mais n’a pas de pouvoir sur celle des hommes. Encore moins sur celle de la vie et du monde.

Chaque élément traité sur le même plan que les autres semble se dissoudre dans l’autre; pourtant chacun est séparé, seul dans son espèce d’appartenance, incapable de relation avec les autres catégories.   Seuls les sacs de charbon livrés devant les portes nous ramènent au point de départ. Les cycles vont s’enchaîner de nouveau comme s’enchaînent les saisons, les jours avec  les nuits. Pas de paroles, pas d’intrigue, juste le vent et ces coups des charbonniers comme un métronome , scansion du temps qui passe .

« Le quattro volte » de Michelangelo Frammartino
2009. 1 h 28


 15 mars 2011